Rédigé par Coralie Schmitt
Le concept de burn-out ou syndrome d’épuisement professionnel a été mis en évidence par Herbert J. Freudenberger dans les années 1970 puis popularisé par Christina Maslach, chercheur en psychologie sociale, professeure de psychologie à l’Université de Californie et co-auteur de l’ouvrage « The Truth about burnout. How organizations cause personnal stress and what to do about it » (titre de la traduction française : Burn-out Le syndrome d’épuisement professionnel).
Christina Maslach a démarré un programme de recherches auprès de professionnels du secteur médical (plus particulièrement de la santé mentale) puis elle a constaté qu’un phénomène similaire apparaissait chez les avocats, ce qui l’a amenée à poser l’hypothèse suivante : le fait de travailler avec d’autres, en particulier dans une relation d’aide, peut être au cœur du problème.
Ses travaux l’ont ensuite amenée à situer davantage les causes du burnout dans l’environnement et les conditions du travail que dans des prédispositions d’ordre individuel. Elle a cherché à valider cette idée en menant des entretiens auprès d’autres groupes professionnels dont l’activité supposait aussi une implication relationnelle.
Ses observations ont fait apparaître que le burn out prospérait à la fois dans le monde de l’entreprise, de l’enseignement, de la santé, essentiellement quand il y avait décalage entre la nature du travail et la nature de la personne qui l’exerce, quand les valeurs humaines étaient minimisées ou ignorées.
Christina Maslach insiste sur le fait que le phénomène du burn out a tendance à être minimisé par les entreprises qui ont tendance à se décharger de la responsabilité de la solution en le présentant comme un problème individuel.
En effet, c’est bien l’individu qui fait l’expérience du burn-out, en présentant des troubles sur 3 axes principaux :
- Une érosion de l’engagement : l’énergie se transforme en épuisement, l’implication en cynisme et on devient inefficace, avec baisse de l’estime de soi. Ces manifestations (épuisement, cynisme et inefficacité) représentent les 3 dimensions principales du burnout
- Une érosion des émotions : l’enthousiasme et la compassion se transforment en frustration, en colère, en anxiété, ce qui altère les relations aux autres et la performance, alimentant le sentiment d’inefficacité
- Une incapacité apparente à s’adapter : comme le burn out se manifeste au niveau des émotions et d’un comportement qui devient moins efficace, il est facile d’en attribuer la cause à une faiblesse personnelle, voire à un manque de volonté et de rendre l’individu responsable de son « inadaptation » aux conditions de travail.
Par ailleurs, l’érosion des émotions ayant également des répercussions sur la sphère personnelle, il devient commode de suggérer que ce sont des problématiques d’ordre privé qui sont à l’origine de la situation.
Faire porter la responsabilité de la situation à l’individu induit que c’est à lui de trouver les solutions pour s’en sortir : il doit apprendre à gérer son stress sur le lieu de travail, à s’adapter aux nouvelles conditions de travail (éventuellement avec l’aide de l’entreprise qui sera amenée à lui proposer des stages ou formations allant dans ce sens), mais ce n’est pas à l’entreprise de créer un environnement moins stressant.
Cette vision des choses est également entretenue par le fait que les entreprises ne commencent souvent à s’intéresser au phénomène que lorsque des cas sont avérés, ce qui peut avoir des répercussions sur la productivité et donc sur les résultats financiers. Il leur apparaît en effet a priori moins coûteux de remplacer ou « d’accompagner » les individus touchés que de modifier toute une organisation.
Enfin, Christina Maslach fait ressortir 6 facteurs principaux favorisant l’apparition du burn-out :
- La surcharge de travail et le surmenage
- Le manque de contrôle sur ce que l’on fait
- Un niveau de rétribution insuffisant
- L’éclatement de la communauté
- L’absence d’équité
- La confrontation à des valeurs conflictuelles
1. Surcharge de travail et surmenage
Le travail est devenu plus intensif en raison de la baisse des effectifs et des ressources qui ont induit un accroissement de la charge de travail, une baisse des temps de pause et une augmentation des amplitudes horaires. Le travail a rogné le temps hors travail et les salariés ont moins de temps pour décompresser, plus de travail à faire en moins de temps à la maison, ils dépensent plus d’énergie dans tous les domaines et se fatiguent plus.
Le travail est plus complexe et demande plus de polyvalence. La part de l’administratif s’accroît avec les outils de reporting, ce qui donne souvent le sentiment de manquer de temps pour tout faire correctement, d’où des sentiments de frustration et une dégradation de la relation au travail
2. Manque de contrôle sur ce que l’on fait
Dans bon nombre d’entreprises, le contrôle est centralisé, avec des procédures et des prescriptions détaillées qui contraignent les salariés à suivre certains modes opératoires, d'où une restriction du degré d’autonomie et de créativité. Ils ont de moins en moins de pouvoir de décision et peuvent perdre du temps à faire des choses qui ne font pas avancer leur travail, ce qui provoque une perte d’intérêt pour l’activité.
3. Un niveau de rétribution insuffisant
La crise a amoindri la capacité des entreprises à rémunérer correctement leurs salariés, que ce soit au niveau des salaires ou des avantages en nature. Au mieux, les rémunérations stagnent, mais le pouvoir d’achat diminue, les possibilités d’évolution ou d’avancement sont en perte de vitesse, et la sécurité de l’emploi disparaît progressivement.
Au final, on se retrouve donc avec un travail plus stressant, moins agréable et moins rémunérateur, ce qui impacte également les relations avec les collègues et tend à faire disparaître la notion de communauté au sein de l’entreprise.
4. L’éclatement de la communauté
L’accroissement des contrats précaires ou de courte durée, des restructurations ou rachats d’entreprises fragilisent le travail d’équipe et la coopération entre personnes.
Les individus se retrouvent en compétition les uns avec les autres, des conflits interpersonnels se développent, ce qui mobilise une partie des énergies et diminue l’efficacité du groupe, aboutissant à un sentiment de manque d’équité.
5. L’absence d’équité
L’équité repose sur 3 facteurs essentiels : la confiance, la franchise, le respect.
Or, avec l’individualisation des responsabilités et des évaluations, une sentiment de méfiance entre individus s’est développé. D’autre part, la vision gestionnaire développée par les entreprises a créé une défiance des salariés envers les directions à qui ils reprochent de consacrer les ressources à la recherche du profit immédiat au détriment des salariés ou des clients.
Enfin, les restructurations auxquelles sont soumises les entreprises peuvent amener à des réductions d’effectifs décidées en fonction d’opportunités financières : ainsi, des salariés créatifs et récents peuvent être écartés alors que d’autres, appartenant à des services différents, parfois moins productifs, peuvent conserver leur poste. Tout ceci contribue à détruire le sentiment d’équité et amène à se poser la question des valeurs au sein de l’entreprise.
6. La confrontation à des valeurs conflictuelles
Alors que les discours mettent de plus en plus en avant les notions de qualité de service, notamment envers la clientèle, le souci du résultat financier oblige parfois les entreprises à faire des choix qui vont à l’encontre de cette notion de service. Les salariés se retrouvent alors en manque de moyens, face à des clients mécontents avec lesquels ils sont parfois d’accord et à qui ils doivent fournir des explications pour défendre un système qu’ils réprouvent parfois par ailleurs.
D’autre part, les missions et les stratégies de l’entreprise sont amenées à changer rapidement, souvent sans concertation avec les salariés, ce qui rend parfois l’atteinte de leurs objectifs impossible. Certaines personnes impliquées et dévouées se retrouvent alors bloquées dans leur activité, incapables de réaliser les missions pour lesquelles elles se sont investies.
Pour aller plus loin : voir l’ouvrage dans sa nouvelle édition : Burn-out Des solutions pour se préserver et pour agir